🐔🥚 Qui était là en premier : l’histoire ou le trope ? Faut-il avoir peur des tropes ? Est-ce que trop de tropes tue le trope ? Est-ce que troper, c’est cliché ?
D’ailleurs, n’y a-t-il pas plus cliché qu’un énième post sur les tropes ? Si, un peu, j’avoue.
En fait, c’était le sujet d’une des dernières réunions du club de lecture auquel je participe tous les mois et en en discutant avec les collègues, on s’est rendu compte que les tropes de la romance occupent tellement d’espace actuellement qu’on passe à côté d’un sujet bien plus vaste.
Note : Je vais mettre de côté tout ce qui touche à la romance. Oust ! les Enemies to Lovers, les Grumpy & Sunshine, les Forced Proximity et autres Slow Burns.
🤔 Il y a fort à parier que vous connaissez déjà des tropes…
… mais la plupart du temps, vous n’y prêtez pas attention.
Pourtant, si je vous parle d’école de magie, de prophétie, d’invasion extra-terrestre, de monde postapocalyptique ou de manoir hanté, vous allez probablement avoir des images et/ou quelques titres de livres qui vont s’imposer à votre esprit.
C’est dire si le trope est puissant.
📔 Un trope, c’est quoi ?
C’est un élément narratif récurrent. On le retrouve dans les livres, mais aussi au théâtre, au cinéma, dans les séries, dans les BD, dans les jeux vidéo. Partout où on raconte des histoires.
Il joue directement sur une chose qui fait toujours gagner du temps : l’imaginaire collectif. Le trope est un raccourci pour poser un cadre ou une ambiance (la maison hantée), générer des attentes (la prophétie), faciliter la lisibilité d’une situation (les gentils contre les méchants), etc.
Remarque : Pour les personnages, on parlera plus d’archétypes. Je peux citer en vrac la sorcière, le détective privé, le savant fou, l’orphelin, le prince charmant, le mentor.
👉 L’intérêt pour l’auteurice de (re)connaître les tropes qu’il ou elle utilise parfois par automatisme, c’est de pouvoir s’en servir non seulement pour aider son lectorat à trouver ses marques, mais aussi pour le surprendre et jouer avec ses attentes en ne l’emmenant pas exactement là où il pensait aller. Et surtout, les connaître permet d’éviter de tomber dans le cliché.
Le cliché, c’est un trope ou un archétype qui a raté sa vie. En gros, on l’a trop vu, il est sans surprise, sans saveur et il nous fait lever les yeux au ciel en soufflant. Exemple : le jumeau maléfique.
(Si vous avez levé les yeux, lâchez donc un commentaire 🙄)
❕ Bien sûr, l’une des limites du trope, c’est que l’imaginaire collectif n’est pas universel. Le trope du fantôme japonais ne vous parlera pas forcément, surtout si je parle de yūrei et d’onryō, sauf si vous avez l’habitude de lire des mangas ou de regarder des films d’horreur japonais. Là, vous aurez peut-être directement l’image d’une femme avec les cheveux longs qui cachent son visage, vêtue d’une robe blanche. Comme dans Ring ou La Femme défigurée.
🚩 Attention aussi aux tropes qui se sont transformés en red flags avec le temps et qui ont des connotations racistes, colonialistes, sexistes et discriminantes au sens large. Il m’arrive d’en croiser et de devoir expliquer pourquoi il va falloir réécrire un passage.
📈 Le trope est très important pour l’éditeur et le marketing autour du livre
C’est la partie que vous ne voyez pas forcément. Quand il s’agit de romance, les choses sont claires : caractériser le livre grâce à ses tropes est un argument de vente majeur. Les lecteurices achètent parce que c’est tel ou tel trope qui est mis en avant.
C’est bien moins évident dans les autres genres où il faudra lire le résumé et peut-être quelques avis pour savoir de quoi parle le livre et s’il peut nous plaire.
Les tropes permettent de concevoir la couverture et le résumé pour attirer le bon public, de positionner le livre rapidement sur le marché et en rayon, et d’aider les libraires et les algorithmes à le recommander.
🏁 Pour conclure
Le trope soulève la question de l’originalité. Peut-on encore écrire une histoire totalement originale aujourd’hui ou est-ce que tout a déjà été raconté ?
Je peux vous proposer un début de réponse basée sur mon expérience.
Personnellement, j’ai lu beaucoup de livres d’anticipation avec le trope de l’électron libre. Officiellement, on parle plutôt du trope de l’humain seul révolté contre un État totalitaire.
C’est ce personnage qui n’est pas comme les autres dans un monde dystopique, généralement fascisant où tout est ordonné. L’électron libre, c’est celui qui ne rentre pas dans le moule, soit parce qu’il est physiquement ou intellectuellement à part dès le départ, soit parce qu’il va le devenir en se réveillant. Ce personnage, qu’on va suivre, va perturber le système, avec succès ou pas.
Des exemples, j’en ai à la pelle : Le Meilleur des mondes, 1984, Un bonheur insoutenable, Les Femmes de Stepford, Globalia, Newland, Harmony, Hunger Games, Divergent, Avec joie et docilité, La Servante écarlate, Farenheit 451, La Déclaration… Plus tous ceux que j’oublie et ceux que je ne connais pas.
Dans un sens, on pourrait se dire qu’une fois qu’on en a lu un certain nombre, on les a tous lus. Et pourtant, je suis toujours attirée par ce trope très spécifique, justement parce que je recherche les variations qui vont me surprendre et m’amener à réfléchir encore différemment à un sujet très politique : que peut l’individu face au système ?
Le trope n’est donc pas un problème en lui-même ; de toute façon, vous ne pourrez pas lui échapper. Il faut au contraire le voir comme une aide précieuse pour les raisons invoquées plus haut. En revanche, un trope doit être analysé, travaillé, nuancé, pensé, détourné, malmené, infusé de qui vous êtes. C’est de ce travail-là que naîtra l’originalité de votre récit.
